Coup de coeur absolu pour le spectacle Yannick Bourdelle e(s)t Robert Lamoureux , un très bel hommage à celui à qui nous devons le Stand-Up et le one-man show, des genres que nous affectionnons beaucoup !
A travers ce premier spectacle, Yannick Bourdelle livre un drôle et émouvant hommage . Sa passion pour le monde du spectacle, son envie de faire rire les gens, il les doit à Robert Lamoureux. Ce spectacle vous enchantera d’autant plus…
Robert Lamoureux était ce qu’on peut appeler – et quel euphémisme ! – un touche-à-tout. Homme de music-hall, de radio, de télévision, de cinéma, de théâtre, il a connu une carrière extraordinaire et a travaillé aux côtés des plus grands (Sacha Guitry, Edith Piaf, Yves Montand, Louis de Funès… pour ne citer qu’eux). Alors pourquoi le nom du « père des humoristes français » selon Coluche, est-il méconnu des gens de ma génération ? Qu’est-ce-qui a fait que ce précurseur du Stand-Up d’aujourd’hui ne nous évoque rien, à nous, ignorants natifs des années 90 ? C’est ce que se demande Yannick Bourdelle, au début de son spectacle, avant de nous dire quelques mots sur sa vaste biographie et de passer en revue les moments marquants de la carrière de son idole… Et ils sont nombreux.
Nous sommes en 1948, à Paris. Le Central de la Chanson accueille les premiers « sketchs » de Robert Lamoureux, et c’est presque sans le vouloir qu’il s’est retrouvé sur la scène du cabaret : alors qu’il devait interpréter une des chansons de son répertoire – la composition, encore une corde à son arc déjà bien bandé – pendant une audition, il va tout faire, sauf chanter. Il va simplement raconter sa vie à son jury, se lancer dans un monologue hilarant sur les vacances qu’il vient de passer, en famille. Et c’est tellement drôle qu’on lui demande de revenir quelques jours plus tard, au même endroit, juste pour redire tout ce qu’il vient de dire, devant un public. Voilà que son premier spectacle était créé. C’est lors de sa deuxième représentation que Jacques Canetti – un des plus grands impresarios de l’époque qui a notamment lancé Jacques Brel, Serge Gainsbourg ou encore Patachou – le remarque : d’emblée, il lui propose de jouer dans son cabaret des Trois Baudets aux côtés de Pierre Dac et Francis Blanche (rien que ça) dans le spectacle 39°5, Hebdomadaire pour gens fiévreux qui sera un triomphe. A partir de là, tout s’enchaîne pour Robert Lamoureux : on le réclame sur toutes les planches, à tous les micros. Il court d’émissions en émissions, de plateaux TV en plateaux TV, présente, intervient, joue, fait mourir de rire à chaque fois. Sa vie devient une véritable course contre la montre : un rythme très bien rendu par Yannick Bourdelle qui se met à lire l’agenda de Robert Lamoureux à toute allure. Le flot de ses paroles s’emballe pendant que derrière lui, une animation reproduit, sur un kiosque, le rythme effréné du quotidien de l’artiste.
Yannick Bourdelle possède un véritable talent de conteur. J’ai été scotchée du début à la fin, fascinée par ce spectacle. Certes, le sujet s’y prête, la vie de Robert Lamoureux ressemble à un roman riche en rebondissements, presque à un conte de fées, mais il arrive à nous « raconter » sa vie, au sens propre du terme. Il nous transmet son histoire avec passion, tendresse et émotion, le tout à l’aide d’un arsenal rhétorique servant à merveille le propos : il multiplie les digressions, les teasings, les prétéritions du type : « Ah, oui, il faut que je vous raconte ça aussi, mais plus tard, » ; « Ah, ça me rappelle une anecdote, je termine juste ce que j’étais en train de vous raconter et on y vient après. » On a qu’une envie, c’est d’en redemander. Encore et encore. Encore des anecdotes ! Encore un sketch ! Encore une chanson ! Au moment où le rideau est tombé, on sentait qu’il avait encore tellement de choses à nous dire et qu’une heure ne suffisait pas.
Il ne semble pas avoir envie de nous quitter, et nous non plus, d’ailleurs.
Avec un récit de vie entrecoupé de sketchs, de chansons et de poèmes de Robert Lamoureux, le spectacle est d’une richesse inouïe. On a droit à Papa, Maman, la bonne et moi, à des extraits de sketchs comme celui de la chasse aux canards – un des classiques de Robert Lamoureux -, à des passages de la Septième Compagnie – car oui, c’est à lui que l’on doit ce bien de notre patrimoine français ! -, à une petite vidéo dans laquelle il fait ses adieux au public, à des photographies, à des affiches de pièces, de films sur lesquels il a travaillés…
J’ai été particulièrement impressionnée par le fait que, parfois, on ne savait pas trop qui de Robert Lamoureux ou de Yannick Bourdelle s’exprimait, tant l’un était merveilleusement imité par l’autre, tant il reproduisait naturellement ses blagues, interpellant par exemple une dame dans le public, à l’instar de son idole : « tiens, on s’est déjà vus quelque part, non ? Ah, mais vous êtes venue hier soir ! Pas avec le même monsieur , par contre… Coquine ! » On sent à quel point Yannick Bourdelle est « habité » par son « sujet » : il le connaît par cœur, de sa date de naissance à son sketch le moins connu. Les deux artistes semblent se confondre, ne faire qu’un : une idée que l’on retrouve d’ailleurs dans le titre du spectacle avec le beau jeu sur le verbe être et sur la conjonction.
Un conseil : allez applaudir Yannick Bourdelle, vous tomberez vous aussi follement (L)amoureux…